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Patrick Rose
Merci
de citer ce travail comme suit :
ROSE Patrick (1994)
Begonia
grandis ssp. evansiana : Si le Chiou Ka¨do m’était conté…
Le petit
bégofil
N°25, décembre 1994
Et oui, il est bien question d'un Begonia. Et quel Begonia! Le seul parfaitement rustique dans nos régions, le seul à supporter la vie en plein air dans nos jardins toute l'année. Vous avez certainement deviné, il s'agit du Begonia grandis et de ses nombreuses sous-espèces et formes, la plus connue en France étant actuellement le B. grandis ssp. evansiana. Begonia grandis est de toute évidence la plus ancienne espèce de Begonia connue, puisqu'elle a été décrite en Chine au Xème siècle. Ses origines sont très diverses. On le trouve dans de nombreuses provinces de Chine, tels que le Setchouan, le Yunnan, le Hupel et le Klangsi. Il y existe sous de nombreuses sous-espèces, formes et variétés, toutes très voisines du type décrit par Dryander. Observé au Japon par Kaempfer (1712) puis par Thunberg (1784), il est découvert en Chine en 1804 par William Kerr.
Il est ensuite rapporté en Angleterre par un officier de la Compagnie des Indes, William Kirkpatrick. Le Docteur Evans, amateur vivant à Stepney, le reçut de son collecteur qui l'avait trouvé dans des fissures de rochers sur l'Ile de Poulo Pinang. En Europe, B. grandis a fait partie des premières espèces de bégonias introduites et cultivées. Il a été la première espèce illustrée en 1812 dans le Curtis Botanical Magazine. B. grandis est aujourd'hui recherchée par le collectionneur de Begonia mais aussi par l'amateur de plantes vivaces ou le jardinier amoureux de belles plantes faciles à cultiver. Mais, cela n'est pas nouveau. Il y a un siècle, sa popularité lui valait un article important dans l'ouvrage "Les Fleurs de pleine terre" de Vilmorin Andrieux (supplément 1884 à l'édition 1883). Voici le contenu, tel qu'il a été publié à l'époque.
« D'une
souche renflée et comme tuberculeuse naissent des tiges rameuses, charnues,
succulentes, noueuses, articulées teintées de rouge à chaque nodosité et
pouvant atteindre 30 à 50 cm de hauteur. Feuilles alternes, ovales-cordées,
obliques, inégalement dentées, d'un vert intense au dessus, tandis que la
partie inférieure, fortement nervée, est d'un rouge sanguin intense à l'endroit
des nervures.
Fleurs d'un
beau rose transparent, monoïques, en cymes pédonculées, axillaires et
dichotomes. Les fleurs mâles sont composées de 4 parties ovales-arrondies, dont
deux extérieures plus grandes et de nombreuses étamines jaunâtre réunies en
têtes globuleuses. Les fleurs femelles sont formées d'un même nombre de pièces
qui reposent sur un tube à 3 angles et de même couleur. Plus tard, ces ailes
prennent un plus grand développement et de roses deviennent verdâtre. Le centre
de ces fleurs est occupé par le style qui se partage en 3 parties et chacune de
ces parties porte 2 stigmates. De tous les nombreux Begonia qu'on possède
aujourd'hui, l'espèce dont nous venons de donner la description est la seule
qui puisse passer l'hiver dehors sous notre climat. Elle est parfaitement
rustique dans le midi de la France, et elle peut même supporter la pleine terre
dans les départements du Nord moyennant une couverture de feuilles sèches. Sa
floraison abondante et continue, ainsi que son élégant feuillage la font
rechercher pour la formation des bordures, la décoration des massifs de terre
de bruyère et l'ornement des rochers. C'est une des plantes les plus précieuses
pour l'ornement des plates-bandes et des corbeilles à l'ombre soit dans les
cours et les jardins des villes, soit dans les parties ombragées et non couvertes
par des arbres, derrière les murailles au nord.
Cultivé en
pots, le Begonia discolor peut aussi servir à orner les appartements et les
balcons et mis en pleine terre dans une bâche ou en serre tempérée, il donne
des touffes qui atteignent plus d'un mètre de hauteur et qui donne une
floraison presque continue. Cultive en plein air, ses fleurs se succèdent
depuis juin juillet jusqu'au gelées. Les pieds doivent être distancés de 40 à
50 cm. Lorsque l'hiver survient, les tiges meurent et tombent en se désarticulant
mais les rhizomes étant persistants, ils redonnent chaque année des tiges
nouvelles. Une terre saine, douce, légère convient à ce Begonia qui a besoin
aussi pour acquérir toute sa beauté, de se trouver placé dans un endroit
mi-ombragé. On peut le multiplier, soit par la séparation des rhizomes au
printemps, soit au moyen des bulbilles qui se développent en abondance à
l'aisselle des feuilles. Ces bulbilles tombent naturellement sur la terre et
pour peu que l'hiver ait été doux et que l'on ait eu le soin de les couvrir de
mousse ou de paille, ils poussent au printemps et fleurissent la même année.
Malgré sa rusticité, l'usage est d'en conserver chaque année quelques potées que l'on tient au repos en hiver dans une cave ou sur des tablettes à l'orangerie. Ce Begonia se multiplie également de boutures de tiges ou bien de feuilles que l'on tient appliquées sur la terre et dont on casse les nervures de distance en distance. Chaque cassure produit des bourgeons que l'on rempote et que l'on peut, une fois repris, traiter comme des plantes adultes ».
A travers les siècles et les écrits ce bégonia a faIt l'objet de nombreuses appellations.
En Chine, il a été décrit sous le nom de 'Tsou Hoy Tong'. Ce qui signifie littéralement 'Pomme d'Api' ou 'Pomme d'Amour'. Le tubercule était-il consommé ? Mystère...
Au Japon, il devient "Sjukkaïdo" ou "Chiou kaïdo" ou encore "Siou kaïdo". Qu importe l'écriture, exacte, ces trois termes ont la même signification. "Chiou" c'est la mer, "Kaï" , l'automne et "do", la fleur. Tout un poème ! Les botanistes s'en sont donnés également à cœur joie. Celui qui est aujourd'hui B. grandis Dryander a été un temps le B. obliqua sensu Thunberg (1784), puis le B. evansiana Andrews (1811), le B. discolor R. Brown (1813), le B . bulbifera Hort. ex Steudel (1821), le Diploclinum evansianum Lindley (1846), le Knesbeckia discolor Klotzsch (1854), le Platycentrum discolor Miquel (1856) et enfin le B. erubescens Léveillé (1909) .
L'espèce type a des feuilles vertes dessus et dessous. Les fleurs sont roses. La sous-espèce evansiana (Andrews) présente des feuilles vertes dessus mais rouges au revers. La floraison est rose également. Une variété à fleurs blanches est apparue en horticulture en 1940. Tous ces bégonias sont rustiques et émettent des bulbilles à l'aisselle des feuilles. Ces "tuberculillons" plus exactement, se conservent comme la plante-mère au repos pendant l'hiver.
B. evansiana a été utilisé quelquefois en hybridation.. Il est à l'origine d'un groupe de Begonia x Rex cultorum, les discolor x Rex cv. Il ne reste que très peu de variétés aujourd'hui. Au hasard des collections, vous pouvez trouver B. 'Abel Carrière' ou B. 'Silver Sweet'. Ce ne sont pas toujours des plantes faciles à cultiver. Jusqu'à ce jour, pas un des descendants n'a conservé la rusticité si exceptionnelle de ce bégonia. Quel dommage ! On se plait à rêver à toutes sortes de beautés hybrides qui pourraient orner nos jardins. Avis aux amateurs passionnés et aux sélectionneurs dans l'âme...
CHEVALIER Charles, 1938. -Les Bégonias. La Maison Rustique, Paris, 416 p.
FRANCHET A. & SAVATIER L., 1875. –Begonia grandis. In : Enumeratio Plantarum, vol. 1, p. 176
LE TEXNIER, 1908. -Essai sur quelques fleurs d’ornement : Le Bégonia. Librairie Horticole, Paris, 56 p.
THOMPSON Mildred L. & Edward J., 1981. -Bégonias the Complete
Reference Book. Times Book, New York, 356 p.
VALDER Peter, 1999. –The Garden Plants of China. Weidenfeld & Nicolson, London, 400 p.
VILMORIN & ANDRIEUX, 1884. -Les Fleurs de Pleine Terre, supplément à l'édition 1883